Médisance et éthique à l’ère numérique.
La médisance à l’ère numérique.
Propager le bien, le juste et non le mal.
La mauvaise parole ne doit pas être amplifiée, la mauvaise action, non plus, n’a pas à être exposée. Aujourd’hui, affaiblir l’obscurité commence par la mettre hors du champ éclatant des projecteurs. Cependant l’avènement des réseaux sociaux rend la tâche davantage ardue. ces derniers qui se devaient d’aider à tisser le lien distendu par l’époque et ses contraintes, rapprocher l’individu de ses semblables, ont engendré un mal sans nom, une répugnante maladie de l’égo, ce moi haïssable, mais aussi une discourtoisie pathologique dans l’échange si ce n’est une hypocrisie flatteuse qui est encore pire. Toutefois, le fait cyclique est, sans doute, cette facile propension à la médisance. Des sites en ligne, en quête de visibilité, pêchent dans l’eau trouble de nos compatriotes du poisson pourri et nous voilà tels des affamés devant la nouvelle proie nauséabonde à dévorer jusqu’à l’os.
Chaque nouveau fait engendre des commentaires exubérants et discontinus avec un goût prononcé pour l’exagération. Les doigts à l’affût à longueur de journée devant l’écran à l’attente de potentiels ragots à colporter. Considérant que les choses avilisantes n’arrivent qu’aux autres, on laisse aller notre bile virtuelle, pas de tendresse pour ce vulgaire inconnu, encore moins pour cette maudite célébrité «égoïste au bonheur obscène.»
Plus la critique est virulente et sanglante, mieux l’on mettra en évidence notre chère probité morale. Aux yeux des autres, tout au moins. Mais un jour, sans crier gare, la laideur pénètre dans l’intimité de nos demeures. Alors l’on se met à chercher désespérément des justifications qui tiennent difficilement debouts. Ce que l’on reprochait impitoyablement à autrui se trouve soudainement moins grave. Circonstances atténuantes décrétées pour soi, l’on se donne bonne conscience jusqu’à finir par se leurrer soi-même. Car l’homme oublie trop souvent qu’il sera jugé du jugement qu’il a eu à l’égard de son prochain .
Quand une maladie s’en prend à l’organisme dans la pleine obscurité de la nuit, peut être bien qu’au début la douleur ne se déclare que sur une partie du corps de l’individu mais il n’en demeure pas moins que le virus du mal peut se propager lentement et insidieusement dans tout le corps .Et cette dense obscurité de la nuit ne doit pas, non plus, être un prétexte pour ne pas soulager la souffrance encore moins une réconfortante excuse pour (re)porter ses espérances dans les promesses d’une lointaine aube .
Et lorsqu’une société sombre dans l’abîme de la fièvre, il est du devoir de chaque membre de ladite société de voir en quoi il a participé à la chute vers le brûlant précipice.
Et quand le malheur se réveille subitement du lit de nos terroirs encore tout chauds et qu’il inocule son maudit venin sur la sacralité de nos terres, il devient impératif de se demander en quoi notre étourdissant vacarme individuel à tirer ledit malheur de son sommeil. Car le linge sale que nous méprisons tant n’ est au bout du compte qu’ oeuvre commune dont personne d’entre nous ne saurait s’en laver proprement les mains.
Toute action (bonne ou mauvaise) qui croît de nos champs n’a été plantée par d’autres mains sinon les nôtres. Toute action (belle ou laide) qui orne nos demeures n’a été arrosée par une autre eau sinon celle de nos salives.
Toute action (répugnante ou élégante) qui se promène dans nos rues n’a été nourrit d’un autre engrais sinon celui de nos avides ou anxieux regards porté sur elle.
Au lieu de se laisser entraîner par la folie de la médisance, du voyeurisme malsain, on devrait, plutôt, se recentrer un peu plus sur soi et méditer sur ces paroles de Confucius proclamé six siècle avant le Christ : «Si tu vois quelqu’un qui se conduit bien, imite-le. Mais si tu vois quelqu’un qui se conduit mal, cherche en toi en quoi tu l’imites.»
De l’éthique du numérique.
Une technologie se développe et se perfectionne en continu, elle n’a pas d’impératif moral en soi.Toutefois, elle doit rester au service de l’humanité. Voilà pourquoi «les ordres techniques doivent être assujettis aux ordres éthiques.»
Celle-ci doit être à la base des règles de conception et des règles d’usage. Cependant l’ambivalence des réseaux sociaux fait de leur utilisation à la fois un remède et un poison. Leur univers une prison virtuelle dans laquelle notre esprit est ligoté tel un insecte pris dans une gigantesque toile d’araignée mais elle demeure aussi une ouverture extraordinaire sur le monde.
Donc l’idée est de faire valoir une éthique fondée sur les règles élémentaires de courtoisie, celle là ancrée dans nos valeurs culturelles que l’on offre en partage avec l’humanité.
Pour cela, il importe de promouvoir une éducation dans l’utilisation du numérique à bas-âge. Prendre sérieusement en compte ce volet dans la conception de curricula mis en œuvre dans nos lieux d’instruction et de formation.
Cette promotion de l’éthique du numérique repose aussi, d’une part, dans la capacité des pouvoirs publics à accompagner « les porteurs de torches », densifier les foyers de lumière pour réduire l’empire de l’obscurité dans cet vaste espace virtuel. Organiser périodiquement des awards en mettant à contribution les entreprises privées. Parrainer des star-up, distinguer des sites en ligne qui font un travail propre.
D’autre part, il faudrait, sans pour autant abuser de la censure et du musèlement d’une opinion libre, encadrer plus intelligemment la parole sur la Toile. Le droit à la libre expression ne saurait être un droit à l’offense gratuite. Et cela passe, certes par légiférer davantage et mieux mais surtout appliquer des sanctions à la hauteur des dérives. L’impunité étant le terreau fertile de la récidive.