Amadou Hampâté Bâ : La bibliothèque rafraîchissante.
Né au pied des falaises du pays Dogon à Bandiagara en 1900 et mort à Abidjan en 1991, Amadou Hampâté Bâ traverse, pour ainsi dire, tout le 20 ème siècle.
Issu d’une lignée aristocratique peule, il grandit dans un univers dominé par la culture Bambara.
Formé à bas-âge à l’enseignement coranique et religieuse, il s’instruit aussi à l’école française. Amakoulel découve un tout autre univers; autre langue, autre manière de pensée, autre culture.
Homme entre deux rives, il abreuve son âme au point de confluence de plusieurs fleuves. C’est dire que l’homme a recueilli à l’aube de sa vie toutes les dispositions pour être un homme d’ouverture et de dialogue.
En 1921, il est affecté en Haute Volta (Burkina Faso) en qualité « d’écrivain temporaire à titre essentiellement précaire et révocable » par l’administration coloniale. Qualificatif fort risible ! cet « exil » était censé être une sanction de son refus d’intégrer l’école normale de Gorée. Paradoxe !? Le destin a fait de lui un éminent écrivain devant l’Eternel dont le lectorat ne cesse de grandir dans le temps et dans l’espace.
Au début des années 30, il passe un congé de plusieurs mois auprès de son maître et guide spirituel Thierno Bocar Salif Tall, le sage de Bandiagara, y recueille son enseignement et approfondit sa connaissance sur la mystique musulmane. Ce séjour débouchera par la rédaction d’un immense manuscrit sur la vie et l’enseignement du saint homme. Un classique de la littérature soufie d’Afrique noire.
Par la suite, il occupera plusieurs postes dans l’administration coloniale. Il intègre l’IFAN(Institut Fondamental d’Afrique Noire) en 1942 sous la direction du naturaliste et érudit français Théodore Monod et y consacre ses recherches sur les traditions orales africaines. Une grande et belle amitié lia pour la vie les deux hommes. «Il était musulman et j’étais chrétien, mais nos convictions religieuses convergeaient vers la même direction.» Cette phrase de Monod est révélatrice du lien quasi spirituel qui existait entre les deux théologiens.
En 1962, à la suite de l’indépendance du Mali, le directeur de l’Institut des Sciences Humaines de son pays est élu membre du Conseil exécutif de L’UNESCO et cela lui offre une tribune de choix pour alerter le monde de la nécessité urgente de sauvegarder le patrimoine oral de l’Afrique pour le bien de l’humanité. Son Excellence était aussi le représentant diplomatique du Mali en Côte d’Ivoire.
Ethnologue, conteur, poète, romancier, mystique.. Il avait plusieurs cordes à son arc et savait les mettre au service de ses contemporains et de la postérité. Mais humblement, il demeurait attaché à cette Ecole des Anciens ou des Vieillards dont les racines de la sagesse reposent sur une maxime peule simple : «Saa andi a anda, a andan. Saa anda a anda, a andata» (Si tu sais que tu ne sais pas tu sauras, si tu ne sais pas que tu ne sais pas tu ne sauras pas.)
Auteur prolifique, il avait compris que les récits oraux ne pouvaient être sauvés de l’oubli que par l’acte d’écrire. Il a su garder la magie et la fraîcheur vivante de la littérature orale sur le papier avec toute l’exigence des codes de l’écrit. À ce propos, il disait “lorsque j’écris, c’est de la parole couchée sur du papier.” Ce qui a donné, certainement, à ses textes ce caractère si captivant, simple à lire et empli d’une saisissante beauté tant les images et les métaphores sont parlantes mais aussi d’une vivacité telle que le lecteur effleure du regard les lieux et personnages.
Homme de dialogue, de tolérance entre les différentes cultures car «la beauté d’un tapis tient de la diversité de ses couleurs». Il savait combien la compréhension de l’autre était nécessaire pour un vivre ensemble réussi et paisible.
Avec douceur, il démolissait les murs mentaux et construisait des pensées passerelles dans le dessein louable de rapprocher les peuples du monde.
Dans la pure tradition africaine, il consacra les dernières années de sa vie à prodiguer son enseignement dans la cour de sa maison aux visiteurs des quatre coins du monde.
«Je ne voyage jamais sans mon linceul bien rangé au fond de ma valise car j’attends la mort à tout instant», disait le sage. Eh bien, la mort, aussi sournoise qu’elle puisse être, ne l’a probablement pas surpris encore moins brûlé la bibliothèque vivante qu’il était. Le sage a su transmettre intelligemment son savoir livresque et ésotérique en les disséminant tel un trésor antique à divers endroits: des cœurs palpitants aux pages des manuels en passant par les têtes avides de connaissances.
Amadou Hampaté Ba …Amkoulel l’enfant peul …Le sage de Bandiagara , des noms inscrits pour la posterité dans l’univers littéraire et culturel , cultuel africain et mondial .
Souleymane , tu raffraichis les mémoires et tu nous invite à s’abreuver et à se rafraîchir dans les écrits de cette bibliothèque que le temps n’a pas su consumer …
Merci Abdoulaye d’avoir pris le temps de lire et d’émettre un avis.
Très joli texte, c’est ce patrimoine oral qu’on doit davantage exploiter afin réécrire notre passé
Absolument en phase avec vous. M. Kamara.