De la nécessité d’une éducation spirituelle.

De la nécessité d’une éducation spirituelle.
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« La spiritualité n’est pas un luxe, c’est une nécessité ». (Bouddha)
Cette assertion du Bouddha peut sembler anodine mais revêt un sens profond. Avec une population de sept milliards et une prévision de 9 milliards d’ici 2040 (division de la Population de l’ONU en 2011), l’espèce humaine est bien partie pour assurer sa descendance sur plusieurs milliards d’années encore, sauf catastrophes majeures. Cette explosion démographique ne sera pas sans conséquences. Différents auteurs comme René Guenon, Samuel Huntington…, dans leurs ouvrages respectifs (« Orient et Occident », « Clash of Civilisations »), ont eu à souligner les problèmes d’ordres spirituels, philosophiques, qui si on y prend pas garde, seront destructeurs pour l’homme. Cet avenir sombre dressé par ces auteurs est devenu une réalité quotidienne ces dernières années car jamais le monde n’a connu plus grande incertitude sur son avenir surtout avec la destruction de l’environnement. Si ce n’est pas une explosion de centrale nucléaire (Tchernobyl en 1986 ; Fukushima 2011), ce sont des feux de forêts ou des marées noires qui affectent les écosystèmes terrestres. Si on analyse les blessures affligées chaque jour à la terre, de telles destructions ne seront pas sans conséquences. L’ampleur des calamités causées par l’homme, qui dans les différentes religions révélées est considéré comme le représentant de Dieu sur terre, s’accentue de jour en jour. L’on doit se poser les questions suivantes : Qu’est- ce qui anime chez l’homme cette flamme destructrice qui n’épargne ni hommes, ni nature ? Une éducation spirituelle universelle ne serait – elle pas une solution pour la sauvegarde de notre humanité et par conséquent de notre mère nature ?
Toutes les religions ou croyances ont enseigné la nature bidimensionnelle de l’homme avec une partie angélique et une autre animale. En soufflant dans sa création (Sourate 38, verset 72), l’homme a hérité de son créateur une lumière qui fait de lui un être à part, la plus complète des créatures. Cette part divine qui aspire à une vie de vérité, de lumière, de félicité, de détachement, de repentir, d’humilité, d’endurance sur la voie divine et de  l’adoration de son Bien – Aimé (Allah) est de tout instant en lutte perpétuelle avec le corps physique dominé par l’âme charnelle (nafs al ammarah et nafs allawoumah) dont les aspirations sont guidées par l’avarice, la cupidité, l’orgueil, l’estime de soi, la jalousie, la recherche de la célébrité etc. Ces deux compagnons aux caractères antagonistes se complètent toutefois dans leur cheminement. L’une ne peut triompher que par l’affaiblissement de l’autre. Toutefois, la recherche du profit à fini par étouffer cette flamme divine qui anime chaque être vivant. La tension spirituelle qui vivifie les cœurs est aujourd’hui supplantée par la recherche quotidienne de biens matériels entrainant un refroidissement de la foi chez les peuples. La satisfaction des désirs charnels que nous partageons avec les animaux a pris le dessus sur l’amour divin. Répondre aux désirs corporels est devenu la chose la mieux partagée dans le monde. C’est devenu comme un drôle de sacerdoce.
Aujourd’hui, si on devait faire le bilan général de l’état du monde et de notre humanité, on peut dire qu’ils sont malades et souffrent de maux inquiétants. Cette situation n’est que le reflet du triomphe de notre égo aux désirs démesurés. L’Homme est devenu esclave de ses propres inventions au lieu d’ en être le maître. Par ailleurs, on est frappé, de nos jours, par une indifférence totale des souffrances qui touchent nos semblables. Combien de fois des nations, des communautés sont touchées par des catastrophes sanitaires, climatiques sans réaction de la communauté internationale. Combien de fois la famine, le manque de vaccins ont décimé des enfants dans les pays du sud alors que dans les pays du nord le gaspillage est devenu la norme et les entreprises pharmaceutiques préfèrent faire de la surenchère sur leurs médicaments pour plus de profit. L’altruisme qui doit animer chaque être humain semble être absent. Cette situation inquiétante voire même dramatique ne peut perdurer sans changement de paradigme. Une vision spirituelle du monde avec l’œil d’un soufi peut être un début de solution pour le futur de l’humanité.
« Nul d’entre vous n’est véritablement croyant tant qu’il ne désire pas pour son frère ce qu’il désire pour lui-même », cette parole du prophète Mohamed (PSL), plein d’enseignements et de sagesse est gage d’une vie de fraternité et de paix dans le monde. Elle est le support inconditionnel de l’éducation spirituelle soufi sur le chemin de la félicité. Toutes les voies soufies ont enseigné le pardon, l’amour de son prochain, l’entre-aide, l’assistance non seulement à l’égard des hommes mais à toutes espèces vivantes car comme le disait Rabindranath Tagore, poète spirituel indien «  Le même flot de vie qui court dans mes veines jour et nuit court à travers le monde et danse de façon rythmique. C’est la même vie qui circule avec joie à travers la poussière du monde dans les innombrables brins d’herbe et explose en vagues tumultueuses de feuilles et de fleurs. C’est la même vie qui se balance dans l’océan de la naissance et dans celui de la mort, dans le flux et le reflux ».
Donc prendre conscience que toutes formes de vies animales, végétales ou humaines n’ont qu’une seule source, aide à être tolérant envers toutes créatures aussi minime quelles soient. D’ailleurs cette vision revêt un sens plus profond selon les enseignements du Soufi sénégalais du XXe siècle, Cheikh Moussa Cisse pour qui « tout Homme reçoit de la vie du positif ou du négatif en fonction de ses actes louables ou détestables envers la création ». Cela suppose que tout acte bon ou mauvais posé à l’encontre de toute créature nous reviendra un jour. Cette loi divine conditionne la vie de l’homme durant son parcours sur terre et vers l’au-delà. D’ailleurs dans le coran a la sourate 99 intitulé La Secousse, il est dit au verset sept (7) et huit (8) « Quiconque fait un bien fut-ce du poids d’un atome, le verra et quiconque fait un mal d’un atome le verra » Donc, quand la personne intègre cette vérité, il fera non seulement attention à ses semblables mais aussi au monde animal, végétal et minéral car il sait qu’il y’aura toujours un retour de bâtons. Etant conscient de cet état de fait, le soufi voit le monde comme un lieu d’élévation, de perfectionnement par un respect inconditionnel de la création divine car pour lui rien n’existe que Dieu. Quand le prophète Issa (Jésus Christ, PSL) demandait à ses disciples de donner l’autre joue quand on reçoit des coups, c’était non seulement une acceptation totale de la volonté divine sur sa personne mais aussi d’éviter cette loi du « Karma », base fondamentale de l’hindouisme.
Dans ses écrits Ostad Elahi décrit ainsi « un cycle de vies successives par lequel passe chaque âme et dont les effets sont inscrits de manière indélébile dans ce qui peut être décrit comme son inconscient spirituel ». Le hasard ne peut exister chez le soufi car la personne n’est que la somme de ses actes.
Cette vision de la vie des soufis peut aider l’Homme d’une part à l’élévation de sa conscience spirituelle par la transformation des « nafs nafs al ammarah et nafs allawoumah » en « nafs al mulhamah, nafs ar raddiyah, nafs al mardiyyah, nafs al kamilah » par conséquent le réveil de son humanité et d’autre part la réduction de ses empreintes néfastes sur la nature. Comme le dit le traditionnaliste et soufi africain Amadou Hampate Ba « Dans l’Afrique ancienne L’homme était considéré comme responsable de l’équilibre du monde naturel environnant. Il lui était interdit de couper un arbre sans raison, de tuer un animal sans motif valable. La terre n’était pas sa propriété, mais un dépôt sacré confié par le Créateur et dont il n’était que le gérant ».
Toutefois, le soufi agit par désintéressement total, car il sait que le dessein de Dieu est au-delà de sa compréhension des événements.

Alpha Diallo, Professeur d’Histoire et de Géographie

Glossaire
Ci-après la définition de quelques termes fréquemment employés dans le texte.
nafs al ammarah : âme despotique animée par l’avarice, la cupidité, l’insouciance, l’orgueil, la recherche de la célébrité, la jalousie…
nafs allawoumah : âme animée par le blâme, le soucis, l’estime de soi, les réactions d’opposition…
Karma : Dogme central de la religion hindouiste selon lequel la destinée d’un être vivant et conscient est déterminée par la totalité de ses actions passées, de ses vies antérieures. Pouvoir, dynamisme des actes passés, en tant que détermination de l’individu transitoire.
nafs al mulhamah : âme animée par le détachement, le contentement, la science, l’humilite, l’endurance, le repentir, la patience, l’acquittement de ses taches.
nafs ar raddiyah : âme animée l’ascétisme, la sincérité, la piété, le renoncement de ce qui ne la concerne point en toute chose, la loyauté.
nafs al mardiyyah : âme animée par l’excellence, du caractère, le détournement ou abstention de tout ce qui est autre que Dieu, la délicatesse envers les créatures, la proximité avec Dieu, la satisfaction de ce que Dieu lui a octroyé.
nafs al kamilah : âme qui a atteint la perfection.
Références Bibliographiques :
Division de la Population de l’ONU, World Population Prospects : The 2012 Révision
René Guenon : Orient et Occident 
Samuel Huntington : Clash of Civilisations 
Coran : Sourate 99, versets 7 et 8 ; Sourate 89 verset 28 ; Sourate 38 verset 72
Ostad Elahi : « La pensee d’Ostas Elahi en 7 points » ; Ostaselahi.fr

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